lundi 6 octobre 2014
L'histoire, le débat public et la diffusion médiatique : ce qui se joue, ce qui se déjoue
samedi 20 septembre 2014
Economie : tertiaire et progrès
Macron: "le principal problème de la France c... par BFMTV
.@zappette @Moom_light C’est TON avis. Faut demander aux intéressées.
— Vogelsong (@Vogelsong) 17 Septembre 2014
mardi 27 novembre 2012
D'une anthropologie de Dieu à l'étude des jeux immunologiques
Dès qu'il y a théogonie, ce sont les puissances constitutives de l'ultime en nous, les éléments symboliques extrêmes au-delà desquels on ne peut plus rien dire, et que par commodité nous appelons "les dieux". Dieux et "Guerre des dieux" qui sont les limites de notre destin d'homme et de tout humanisme. Mais qui sont par là le domaine ultime de l'anthropologie.
Gilbert Durand, "Figures mythiques et visages de l'oeuvre", in La sortie du XXe siècle, p.208, CNRS Editions, 2008.
L'ironie au coeur des prescriptions de santé et des devoirs de mémoire
C'est ainsi qu'à se croire au-dessus du temps, de l'espace et des gens, qu'il s'agisse de la Shoah comme du SIDA, les prescriptions de santé et de mémoire, qu'elles s'inscrivent très concrètement dans les représentations, techniques et communications quotidiennes (la santé) ou beaucoup moins (la mémoire), en deviennent contre-productives.
Pour être davantage efficaces, il leur faut devenir relatives, au moins dans leur forme (techniques du corps, oeuvres commémoratives, etc.). Et donc perdre leur relativité éternelle pour s'énoncer dans la communication sans en venir in fine à dire le contraire.
samedi 8 mai 2010
Eléments pour une sociologie des oeuvres. Création littéraire et dispositif d'exposition. En réaction à Bernard Lahire (Franz Kafka, éléments pour une théorie de la création littéraire)
J'ai écouté Bernard Lahire sur France Culture, 4 émissions, pour son bouquin Franz Kafka. Eléments pour une théorie de la création littéraire.
1) La catastrophe Bernard Lahire
a) Réaction
Je n'ai pas pu me retenir de noter sur Facebook, en deux messages comme la place était limitée :
Lahire sur Kafka.
Si sur ce symptôme on envisage bien une socio de la réception chez les sociologues, il faudra revenir pour la socio des oeuvres (et la socio tt court), pour Kafka et pour la compréhens° de la création littéraire, question qu'il aurait été bien du reste de commencer à poser.
Lahire sur Kafka.
Si sur ce symptôme on envisage bien une socio de la réception chez les sociologues, il faudra revenir pour la socio des oeuvres (et la socio tt court), pour Kafka et pour la compréhens° de la création littéraire, question qu'il aurait été bien du reste de commencer à poser.
b) Biographie pseudo-scientifique d'un homme ordinaire
Lahire aurait aussi bien pu être psychanalyste. Entre ça et la référence à un fantomatique « social » (tantôt nom commun, tantôt adjectif), il nous donne une sorte de récit conventionnel, au sens de biographie d'un homme ordinaire, mâtiné principalement d'histoire et, donc, de psychanalyse, sur Kafka. On voit mal en quoi c'est scientifique, et on ne comprend pas pourquoi Lahire en a contre ceux qui admirent, par exemple, avant d'écrire sur lui, puisque c'est justement ce qui lui permet de rendre ordinaire Kafka.
c) Le problème de l'interprétation
On pourrait dire que Lahire fait le récit de ses propres interprétations, sans les interpréter, ni les expliquer, ni les comprendre ; et cela « scientifiquement », c'est-à-dire en fait avec une couche d'objectivisme, d'effet d'objectivisme – et il faudrait analyser comment se crée cette couche : éléments pour une théorie de la création de la fausse (pseudo) scientificité.
L'interprétation qui répond à la question « pourquoi ? » n'est pas celle qui répond à la question « comment ? », laquelle seule peut prétendre à quelque scientificité.
– Deleuze ne dit-il pas que Kafka tue l'interprétation ? Lahire n'est pas prêt de comprendre une chose pareille.
2) La question de la création littéraire en sociologie des oeuvre
Ce qui fait peur, c'est que ce bouquin devienne une référence en sociologie des œuvres (c'est un champ qui existe réellement, et où Lahire se balade vraiment en touriste). La question qu'il faut poser est celle de la création littéraire.
Création littéraire : c'est là le nœud, peut-on supposer, à la fois des interprétations du texte et de la pensée de Kafka (chez Deleuze, notamment), et des images qui circulent sur son œuvre et sur lui-même (il y a d'autres éléments, mais qui ne vaudraient rien s'il n'y a pas quelque résonance, même mystérieuse, avec le texte) (Lahire se situant entre l'interprétation et la réception/circulation de ces images…).
Non pas pour avoir le dernier mot et refermer un couvercle sur l'auteur et son œuvre (ce que fait Lahire, pour lui finalement c'est son propre bouquin qui importe), ni sur tout ce qui est dit sur Kafka, mais délimiter la matrice de ceci et retracer, accompagner si l'on peut dire, le déploiement de ceux-là.
Ce serait tenter de tracer la ligne singulière de Kafka, celle de son œuvre, en restant au sein d'une sociologie des médiations.
En fait c'est saisir l'œuvre de Kafka comme médiation pour imaginer à la fois ce que raconte Kafka (dans une sorte d'herméneutique de la lecture réaliste), et à la fois Kafka lui-même. En marge, ou en opposition, à ceci, on peut imaginer une enquête sur la lecture de Kafka, sans demander aux lecteurs de lire des choses réalistes quand ils lisent (des incompréhensions, des projections, etc. : ce qu'a montré PLQ) ; et plus loin, une lecture non réaliste, mais faite de sensations (et là la ''culture'' des lecteurs importe, tout autant que la traduction du texte).
3) Différence entre la sociologie des (publics des) musées et la sociologie des oeuvres littéraires
a) Projet contre déprise
L'exposition, le musée, part d'images, de la volonté d'exprimer des images et de l'anticipation des images du public (ce que le public attend, sait, ignore, etc.), ce qui l'amène à construire un dispositif, à partir duquel les visiteurs vont se faire des images.
On ne peut pas vraiment considérer, malgré Bourdieu qui dit que l'écrivain se positionne dans un champ concurrentiel, que l'écrivain produit ainsi un dispositif à partir de ses images : il n'y a pas forcément de cahier des charges, de projet explicite – en disant cela Bourdieu semble ne pas comprendre du tout la déprise, partielle ou plus, de l'écrivain.
b) En littérature : les médiateurs
D'où l'importance des médiateurs dans la littérature : s'il s'agit de comprendre ou expliquer la « réussite » d'un texte, d'un auteur, et non la matrice qui la (parmi d'autres choses) rend possible, il vaut mieux se livrer à une analyse de ces médiations : le rôle de Max Brod, des éditeurs, des journalistes, le bouche-à-oreille, les évènements historiques construits par la communauté humaine et avec lesquels on fera entrer les textes de Kafka en résonance, l'individualisme, la mélancolie, les métamorphoses du langage (le langage direct et froid de la presse plus que celui du droit) et de la lecture (lecture silencieuse, intérieure, qui renvoie à soi-même), etc.
c) Au musée : les médiations
Le rôle des médiateurs n'est pas aussi important pour l'exposition et le musée, à part pour certaines expositions qui sont déjà des créations, des œuvres (Quand les attitudes deviennent formes). Au fond ce rapport aux médiations est le défi posé par les créations, les œuvres ; dans un monde où tout est dispositif découlant d'un projet, il y aurait une transformation fondamentale de l'œuvre, qui ne procèderait plus d'une certaine déprise. Dans le musée, les expositions, les médiations qui importent sont moins extérieures qu'intérieures (la muséographie, la scénographie, les expôts, les textes, le discours, les documents d'aide à la visite, le catalogue, les visites commentées, etc.).
d) Création et dispositif : deux perspectives analytiques
En termes d'analyse des médiations, le texte littéraire et l'exposition se répondent et interrogent tantôt la création, tantôt le dispositif. Cette distinction permet de répondre à deux questions qui s'entrecroisent : la « réussite », soit la réputation, la diffusion de l'image, d'une œuvre, et la réception en situation (lecture, visite) des images, en particulier, d'une œuvre.
L'exposition comme dispositif, interroger les médiations qu'elle contient pour comprendre l'exposition particulière qu'a vécu chaque visiteur (les visiteurs comme médiateurs de la compréhension d'une exposition, mais aussi bien les critiques d'expositions peuvent ne pas en passer par les visiteurs). Le texte littéraire comme produit partiellement d'une déprise, création qui a besoin pour exister comme œuvre éditée, diffusée, lue, reconnue, d'une intervention d'une série de médiateurs, interroger ces médiateurs pour comprendre la renommée d'un texte. Aussi bien, on peut intervertir les positions, enquêter sur le texte comme dispositif, enquêter sur l'exposition comme création : l'une ou l'autre de ces deux positions est plus ou moins pertinentes suivant les cas, mais chacune est toujours possible.
mercredi 31 mars 2010
La discrimination en France
En chinois, le France se dit littéralement « le pays de la loi ». A savoir qu'en France, la discrimination passe par la loi. On ne vous extermine pas parce que vous êtes noir ou juif, mais on vous renvoie dans un pays où vous êtes en danger parce que vous n'êtes pas en règle avec la loi.
mercredi 17 mars 2010
Crime et littérature : la déviance nous traversait, désormais elle nous borde
mardi 26 janvier 2010
La soustraction du sujet
lundi 26 octobre 2009
Altérité
Il est assez rare de voir dans la rue défiler des gens scandant des « nous ne voulons pas des gens différents ! », « merde merde merde ! merde à l’altérité ! », « allochtones : alterchtones ! », « in-dif-fé-rents à la dif-fé-rence eeeet ─ un, dans l’avion, et les autres en prison eeeet ─ in-dif-fé-rents etc. », et autres « beur, tu nous fais peur, tu n’auras pas notre beurre ! ».
Au point que cela n’existe que dans la tête des intellos gauchistes, n’est-ce pas, qui se permettent des interprétations sur la base d’un certain mépris pour les gens pas comme eux et gentiment racistes, qui se lèvent tôt, travaillent plus, répondent à la question du match par sms, etc. etc.
Si bien que ces images finissent par créer des représentations qui se suffisent à elles-mêmes, loin de toute réalité humaine. Et qu’une rencontre avec l’altérité est encore une fois ratée. Ce n’est pas facile les rapports avec ceux que l’on ne supporte pas. En voilà un sujet qu’il est intéressant.
mercredi 16 septembre 2009
Ils ne se suicidèrent pas tous mais tous s'étaient touchés. Remarques anodines d'un participant qui était aussi un sociologue.
Je comptais éteindre la télé, après l’heureuse découverte des Yes Men puis le second but d’Inzaghi, quand en deux coups de zapette je suis tombé sur l’émission C dans l’air, que je ne regarde jamais, qui empreinte ses codes en partie à Delarue et au dispositif proposé par Tobie Nathan en ethnopsychiatrie.
Il ne manque que le patient, mais justement, il le manque. Quand est-ce qu’une émission l’intègrera autour de la table ? Le sujet était le suicide au travail, et il y avait là un sociologue (Henri Vacquin, sans doute un fumeur de pipe à qui la fumée manquait, une sorte de cliché du sociologue : passionné, pas toujours très bien informé, qui bidouille sur fond d’idéologie en parlant beaucoup pour dire autant que les autres et avec forces mouvements de bras dans tous les sens), une psychanalyse et quelque chose judiciaire blonde, une médecin du travail au nom français mais aux pointes d’accent espagnol ou portugais ou elle avait trop le trac à chaque fois qu’elle parlait, et un syndicaliste de SUD PTT travaillant à France Télécom qui semblait se remettre d’un œil au beurre noir. Une belle équipe de bras cassés (à part la blonde), pour dire ce qui, du côté gauche est évident, mais qu’il fallait dire quand même (si du côté droit ils se mettaient à dire leurs évidences en rognant autant sur leurs idéologies, ce serait une révolution).
J’ai commencé à regarder ça et je n’ai pas décroché, bien installé les écouteurs sur les oreilles et les pieds gelés, sans pouvoir ni gueuler à la moindre intervention ni allumer une clope.
Il a été à un moment question des sous-traitants, comme toute l’émission tournait autour de France Télécom, ce qui est tout de même le charnier du moment (à quand le TPI, n’est-ce pas). Pour dire que pour eux c’était, et bien… vraiment très dur. D’ailleurs le sociologue était d’accord, mais oui, évidemment, d’ailleurs il en connaissait une bien bonne à ce sujet parce que lui où il travaille, etc. Un véritable homme de secte, ce brave homme touchant et sympathique, mais dont c’est à nous de faire l’effort de comprendre ce qu’il dit au fond, dans sa réaction à tous les hameçons qui passent avant de mettre cinq minutes de blabla en apnée à sortir son propos souvent un peu décalé, parfois critique, sinon dialectique. Vu comment les sociologues sont doués en communication, on comprend maintenant pourquoi il n’y a pas plus de suicides dans la profession : faute de trouver du travail, ils font autre chose.
J’ai travaillé presque un an chez un sous-traitant, l’un des plus gros du marché, Téléperformance, pour le compte du service client d’SFR. L’ambiance était plutôt bonne enfant et remplie de congés maladie, de retards et d’absences. L’entreprise semble recruter parmi les étudiants, mais d’abord dans la population type immigré(e) de banlieue de xe génération à bac +2. Des gens un peu sans culture sinon celle du sport et du portable, susceptibles de répondre aux « challenges » où il y a à gagner, au terme d’une lutte acharnée contre ses collègues qui est sensée faire bondir les gains de productivité pour un coût ridicule, des ipods et des places de cinéma, des DVD et aucune place à l’opéra ni de bons d’achat chez Decitre. Des gens qui, s’ils ne travaillent pas là depuis assez longtemps (sinon ils sont plutôt déprimés, du moins blasés), se reconnaissent assez dans le libéralisme comme le modèle qu’on leur vend depuis tout petit dans l’ambiance de la Part Dieu qu’ils fréquentent les fins d’après-midi et les samedis, et dans lequel ils ont enfin la possibilité d’entrer.
La situation de travail est idéale, avec vue sur le parc de la Tête d’Or, il y a des pauses régulièrement (qu’il faut savoir connaître, toutefois), et tout le monde est tellement largué qu’il y a largement la place pour prendre les choses à son compte dans le petit cadre de son petit travail, par exemple, contrairement à ce qui a été dit de France Telecom où ils seraient obligés de lire leur prompteur, d’employer la voix et le ton qui sont les nôtres (il y en a toujours pour agir comme ils croient qu’on leur demande d’agir).
Je faisais ce que je voulais, je résolvais tous mes dossiers, les clients commençaient en m’insultant presque et terminaient en me demandaient comment me féliciter auprès de la direction d’SFR (sic), et j’étais le premier de mon équipe haut la main ; ça, c’était en novembre-décembre, à mi-parcours.
Parce que ça n’a pas duré. La technique de management est complètement pourrie. Elle semble consister à laisser les gens se démerder en leur faisant confiance tout en instaurant un cadre rigide de stress et de concurrence latents. Ce qui se passe, c’est que, si on fait bien son travail, il n’y a aucune considération, ni plus, ni moins, simplement les primes qui sont prévues tombent chaque mois (un peu plus d’un dixième du salaire), rien de plus : ou plutôt, la seule gratification est qu’on nous fout la paix (quand je faisais gagner des primes à mon supérieur, personne ne venait me reprendre pour mes retards, par exemple). Ce qu’on nous apprend, c’est ce qui ne marche pas, sans jamais chercher d’autres modèles (cela a été prévu un temps, mon exemple, que personne n’a semble-t-il remarqué, marchait plutôt très bien, et ce qui était dit allait en ce sens).
Ceux qui dirigent se repèrent en fonction de représentations toutes faites. Et ça, c’est une catastrophe. Parce que ce ne sont ni des bons dirigeants, ni des bons créateurs. Le truc de base, c’est la tête des gens, la tête des gens c’est fondamental, on voit tout de suite, à leur tête, s’ils feraient qui un bon téléopérateur, qui un bon chef d’équipe, etc. (en fait ça s’arrête presque là, on est tous dans la même merde dans ces endroits-là). C’est bien pour qui a de bonnes lunettes, sauf que ce n’était pas le cas du tout, leur espace où ils avaient leurs repères étant l’espace fictionnel d’une entreprise moderne du secteur, une sorte de monde idéal qui fonctionne certes théoriquement, mais sans remplir les critères. Du coup ils durcissent et ça se passe encore plus mal.
La seule fois où j’ai vu un boss sur un plateau, je ne savais même pas que c’était un boss. Il m’a parlé comme à une merde, ce mélange dégueulasse de domination crasse et d’infantilisation. Je ne suis plus jamais revenu, deux mois plus tard j’ai envoyé ma lettre de démission. C’est comme s’ils cherchaient la rupture et, la rupture effective, ils s’estiment maîtres de la situation dans le sens suivant : ils avaient dit que ça n’allait pas, la rupture effectuée montre qu’ils avaient bien raison. Ces gens ne cessent pas un instant de croire avoir raison, ils s’enferrent dans leur connerie et leur prétention.
Le truc, c’est que SFR a annoncé cet été que le contrat avec Téléperformance, qui s’achève en 2010, ne serait pas renouvelé. J’en suis sûr que, au moins pour eux-mêmes, sinon au sein de l’entreprise, ils vont rejeter la faute sur les téléopérateurs, auxquelles il n’y a que deux trois choses à reprocher : 1) ne pas connaître suffisamment ce qui peut aider le client parce qu’on ne leur a pas appris, il faut chercher soi-même alors même qu’on leur fait sentir qu’ils ne doivent pas sortir de leurs clous, 2) manquer parfois de volontarisme et d’implication pour résoudre des problèmes et hésiter à aller à l’encontre de ce qui est prévu et autorisé qu’ils fassent, 3) d’une manière générale, comme toute notre génération sans doute, manquer de volontarisme, tellement on nous répète et on a le sentiment d’être dans des dispositifs dirigistes et autoritaires, protecteurs et infantilisants, où il n’y a qu’à faire ce qu’on nous dit de faire pour que tout fonctionne, où on profite de la moindre occasion pour prendre la tangente faire les branleurs (sauf si on souhaite aider ceux pour qui on est là, en l’occurrence les clients, qui pour un certain nombre d’entre eux ne le méritent même pas.
Je ne sais pas comment font ceux qui travaillent là depuis des années (en fait le site n’a maintenant que deux ans). Les démissions pleuvent constamment, mais ceux qui s’accrochent ? Ceux pour qui ce n’est pas un petit job exotique d’étudiant ? Pour ma part, j’aurais ressenti, je pense, une grande tension, métaphoriquement une grande douleur dans le bras qui tient le couteau, dirigé tantôt vers moi, tantôt vers ces boss incompétents. Le jour où je suis parti il y avait le chef des petits boss (le supérieur de mon supérieur) derrière moi, un mec très gentil, l’un des rares humains de la boîte et sans regarder le travail de biais, j’avais rangé mes affaires, prêt à partir sur le champ, avec des larmes de colère, il m’a fait rester jusqu’à la fin de mon temps de travail mais je ne suis pas revenu ; partir en faisant abandon de poste, ou bien sauter à la gorge de ce connard, ou bien tenter de faire circuler des mots totalement inexistants dans cette entreprise, ou bien garder tous mes mots pour moi seul (parce que les collègues comprennent, d’accord, mais ça ne fait circuler que les mots, de parler avec eux, et encore), que faire ? Ce ne sont pas les envies de tout casser qui ont manqué, pourtant.
En allant chercher ma feuille Assedic, il y a quelques semaines (j’ai croisé des collègues venant récupérer la leur, au passage), on m’a annoncé ce contrat non reconduit pour 2010, et j’étais heureux. J’avais envie de rire très fort pour faire résonner tout l’immeuble, mais bon, je m’en foutais, c’était loin maintenant. C’était une sorte de ruine, et le mec de la sécurité, de son point de vue (et travaillant pour une autre boîte), trouvait que tout allait à vau-l’eau.
C’est typiquement une entreprise où ceux qui ont leur mot à dire croient tout savoir et n’avoir besoin de personne. C’est typiquement une entreprise où il y aurait vraiment besoin d’un sociologue, qui s’occuperait de faire circuler la parole, de mettre chacun en perspective avec ses représentations, d’effectuer un gros boulot de traduction entre les différentes positions au sein de l’entreprise, d’analyser les dispositifs de mesure et de proposer des solutions à leur sujet ; comme les médecins de France Télécom, libres à eux d’accepter de faire partie ou non des plans pro-suppressions de postes s’il y en a (beaucoup démissionnent ces temps-ci), mais là, pour le coup, ce n’était pas le cas et les objectifs étaient vraiment facilement accessibles.
Il ne faut pas se leurrer : quand ça ne va pas, la seule solution, c’est un bon sociologue. Pour ma part, courant février j’ai cru avoir la grippe, trois jours au lit à ne pas pouvoir bouger, mais le médecin, un vrai, avec le Coran dans la vitrine, les conseils paternalistes au patient et les conseils machistes à sa copine et tout, a dit que c’était une grosse asthénie, maladie qui fait sans doute partie du panel dont il a été question évasivement dans l’émission. A part ça, je crois qu’au bout d’un moment j’aurais vraiment pété un câble et au moins piqué une grosse colère ; mais je n’aurais jamais pensé être malade d’une telle fatigue pour un boulot de merde (et en plus à mi-temps !), alors…