Petit mise au point sur les cons, terme si usité de nos jours, tellement courant, qu’il nous révèlera sans doute quelque chose sur notre époque, qui si, tout le monde s’accorde là-dessus, est peuplée de cons, ne les admet que guère.
Etre con c’est ne pas savoir faire fonctionner les choses.
N’est pas con, mais un autre doit le dire, celui qui sait les faire fonctionner et se trouve parmi elles.
Peut dire ne pas l’être celui qui observe une distance avec les choses ─ ironique, critique, analytique, spatiale… Ainsi du riche ou du professeur. Il peut même se passer de donner l’exemple, on peut ne pas le voir à l’œuvre, mais il vaut tout de même mieux qu’il sache comment les choses fonctionnent.
Statistiquement, ceux qui se coltinent les choses ont plus de chance d’être cons, ainsi la femme de ménage davantage que sa patronne bourgeoise.
Celui qui est le plus con est celui qui, sis au milieu des choses, ne sait pas les faire fonctionner, mais essayant tout de même et sans succès. D’autant plus con s’il tente un essai de compréhension du fonctionnement des choses, sur un plan cognitif, voire réflexif.
Le moins con de tous est celui qui fait croire ─ qui sait faire croire ─ qu’il sait les faire fonctionner et qu’il les fait effectivement fonctionner. Celui-ci, maître des mots et séducteur charismatique, n’offre pas de prise sur lui. Il est vraiment très peu con.
Etre con, par extension, c’est laisser lire, sentir et expérimenter aisément son propre fonctionnement. A l’inverse, celui-là, imprévisible, surprenant, séducteur, n’offrant pas de prise sur lui, est dit n’être pas con.
En somme, nous sommes tous cons, mais parfois personne ne le dit.
En résumé, la connerie discrimine chacun de nous dans un monde de pouvoir fonctionnant sur les êtres et les choses, un monde où les moins cons ne sont pas ceux qui s’opposent aux prises sur eux et savent tout bien faire fonctionner (Magic Prolo), mais ceux qui découvrent les ironies et les sens cachés du et des fonctionnements, et qui savent en user.
Le con n’a de pouvoir sur rien. Il est ce bruit lamentable qui butte sur les choses quand il tente de les faire marcher, ce bruit sourd et mat qui s’oublie dans le silence de la misère personnelle, ce bruit, même, d’une balle rebondissant sur un cordage serré.
Un truc mou mais persistant, rond et passablement creux. Le con perdure sur le billard du monde.
Et le plus gros con est celui qui ne fonctionne pas, insensible aux pouvoirs ambiants, sans impulsion aucune donnée par la mobilité des choses. Ce con irréductible comme le cafard des sociétés techniques et de pouvoir fonctionnel. « I would prefer not to. »
Est con, enfin et dans cette suite, ce qui, sourd, ne résonne pas. Ce qui, se suffisant à soi-même, jusque dans le vide, l’absence et le végétatif, ne fait que renvoyer son propre écho à qui le sourde. La mort, c’est con.
La lutte contre la connerie ne saurait être exterminatrice. On peut seulement la repousser. Mais au fond, la connerie, le con, con tout court, est immensément fonctionnel, qui borne le monde, notre monde, chaque autre et chacun de nous. Mais il serait con de lui donner trop de place.
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