samedi 20 septembre 2014

Economie : tertiaire et progrès

Macron, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, également figurant probable d'un OSS 117, s'il ne ramène pas la parodie en politique, estime que le problème de la France c'est l'anémie, c'est l'immobilisme, mais aussi les dépenses publiques, et que ce qu'il faut, c'est de l'activité, il faut relancer l'activité, il le répète plusieurs fois.


Macron: "le principal problème de la France c... par BFMTV

Dans le centre de Paris ou de Lyon c'est sans doute moins perceptible que dans des coins reculés où les ouvriers se retrouveraient au chômage longue durée si leur usine devait fermer, parce qu'ils ne maîtrisent pas la langue écrite, ni ses subtilités, qu'ils ne savent même pas faire un CV sur InDesign et qu'en plus ils n'ont pas le permis, tandis que certains disent sur Twitter qu'il faudrait leur demander ce qu'ils en pensent.

L'activité, sur Twitter, on ne peut pas dire que ça manque, et pour autant on ne comprend pas trop le rapport avec les usines. Un peu de la même manière, est-ce que relancer l'activité aboutira à une suppression des rentiers, à une limitation de l'épargne, à des cours de danse gratuit, à une carte de pogoteur donnant droit à une réduction d'impôts tous les dix concerts, à une rémunération au nombre de "j'aime" sur Facebook, à un contrôle accru des fraudes fiscales bien plus importantes que celles au chômage ou à la sécu dont Macron parle lui-même devant les députés PS (selon L'Express) et surtout UMP d'après les images que l'on voit ?

Non, on ne comprend pas bien, tout ça, c'est compliqué. D'ailleurs heureusement qu'il y a des experts et des politiques qui s'y connaissent et dont tout le discours public consiste à dire qu'ils font des choses, qu'ils vont faire des choses, qu'il ne faut pas s'inquiéter, qu'il faudra juger sur pièces plus tard quand la main-d'oeuvre sera partie, ou toujours là à défaut d'alternative.

Alors je me dis, comme ça, qu'il est question de société libérale et capitaliste, et je comprends un peu les mécanismes du capitalisme concernant le secteur secondaire, l'industrie, parce que Marx a beaucoup parlé de ça, comme ses amis Smith & Co, et que ça a beaucoup été vu dans les jeux vidéo.

En gros il s'agit de faire un cercle vertueux en investissant les bénéfices dans l'amélioration des conditions de production, avec des machines qui vont produire plus vite ou mieux, permettant de produire des produits qui se vendront plus chers et augmenteront le bénéfice. Avec ça, on commence par passer trente minutes à trouver des morceaux de bois potables, à faire un avion avec et à le revendre à une mamie dans la rue 2 euros, et on termine avec Boeing, Dassault et Airbus réunis.

Il y a l'idée de progrès, parce que tout progresse, qualitativement, quantitativement, même s'il y a toujours des petites mains à la base payées trois kopeks (mais au début elles fonts les avions en bois, à la fin elles font le ménage dans les bureaux et les ateliers de ce qui font les avions qui volent). Le niveau de formation des employés, qui ne sont pas les mêmes d'un bout à l'autre, progresse, etc. Les rémunérations progressent, tout progresse selon un mécanisme d'amélioration de la productivité et des produits, et si l'on trouve encore des ardoises pour écrire dessus et des presse-ail ou des casse-noisettes somme toute assez sommaires, tout notre environnement matériellement construit repose sur cette idée de progrès.

Elle peut bien être critiquée, elle se porte toujours aussi bien, voir l'informatique et les sextoys, les tissus des vêtements et la médecine, etc.

Alors en même temps il paraît que le secondaire en prend un sacré coup dans nos contrées, on voit les cheminées d'usine tomber et les brouillards de la pollution s'estomper, on est très content de refiler tout ça aux chinois, et que ce qui compte, maintenant, c'est le tertiaire, l'économie de services. Je trouve ça très bien.

Enfin, on n'a pas abandonné dans le fond l'idée de progrès pour autant, malgré l'idée de décroissance, entre autres. Idée de progrès qui me semble reposer, donc, sur le mécanisme capitaliste précité.

La question pourrait donc être : comment est mis en oeuvre ce mécanisme dans une société de service ?

Le service, ça ne repose pas sur la production de choses, mais sur du temps humain. Et quand il est question de choses, elles sont souvent payées en-dessous ce qu'elles coûtent quand elles ne sont pas gratuites. Concernant les choses, il y a l'Etat qui raque et la publicité, et l'on cherche toujours des mécènes et le micro-financement a lui fait l'objet d'une réunion importante suscitée par Macron à laquelle Hollande était présent. Bon, ce n'est pas encore réglé de ce côté-là, même si certains ont trouvé quelque possible parade, comme l'abonnement, qui permet, pour un investissement qui paraît au départ minimal au consommateur, de se faire au final un bénéfice énorme par rapport à ce qui aura été consommé - appelons cela l'économie du futur antérieur, qui sied bien aux choses immatériels reposant sur des dispositifs techniques (abonnements téléphoniques, cinéma, musique en ligne, etc.).

Cette économie du futur antérieur est intéressante, parce que si Macron dit qu'il faut créer de l'activité, elle, elle repose justement sur l'activité estimée et précisément non effective. C'est l'absence d'activité qui crée les bénéfices, du moment que l'abonnement est payé.

A part les choses, matérielles ou non, reposant sur des dispositifs techniques ou non, reste le temps humain. On peut bien faire valoir une meilleure compétence, une capacité de travail plus rapide, ça ne fait pas avancer beaucoup le schmilblick pour autant.

L'idée, au fond, d'une société de services, n'est-elle pas celle d'une extrême solidarité des membres de la société, à travers le contrat et l'échange d'argent (voire de services ou biens échangés), donc une solidarité interpersonnelle par le droit et l'économie à l'échelle de la société, la micro-économie dans une extension maximale ?

Ceci est cohérent avec le temps de travail, curseur qui peut être alors bougé au seuil maximal puisque la productivité dans sept heures de travail a tout de même ses limites. Chacun travaillant toute la journée, n'a pas le temps de faire quoi que ce soit d'autre ou presque. Il paye quelqu'un pour faire son ménage, pour lui faire à manger, pour réparer ses chaussures, pour lui préparer un circuit shopping top chrono, pour lui faire sa lessive, pour lui préparer des playlists, des sélections cinématographiques, d'articles de presse, et même pour lui faire la lecture. Et tout ça existe déjà, et c'est d'ailleurs couramment utilisé, toujours sur fond d'absence de temps, souvent de compétences (on se spécialise, se compartimente, même les activités domestiques on ne les maîtrise pas), et ce qui est au centre de nos vies, c'est le travail et le plaisir - Thanatos et Eros, parfois mêlés comme dans l'activité militante ou certains articles de blog.

Le "progrès", dans ce contexte, c'est le maximum de circulation et de fluidité, en plus des gains des productivité classiques (garder quatre enfants en même temps plutôt qu'un seul, cuisiner pour trente plutôt que pour deux, etc.). Perdre trois minutes sur le téléchargement de l'application de sélection d'articles à lire, ça devient un problème, de même s'il faut appeler trois fois pour enfin avoir au bout du fil la femme de ménage. L'information, par quelque voie que ce soit, doit passer facilement. Et là Macron parle des illettrés mais il est encore loin du compte, parce que les gens qu'on ne comprend pas, il y en a des tas.

Ce sera certainement l'un des défis du 21e siècle, d'ailleurs, que tout le monde puisse se comprendre, apogée de la mondialisation mais même au sein d'une famille, d'une entreprise, entre voisins il y a beaucoup à faire ; et si l'on imagine que chacun en deviendrait transparent c'est presque terrifiant, mais cela demande plutôt à chacun de maîtriser sa communication, les meilleurs seront les meilleurs filtres, capables de dire ce qu'ils veulent, et de déjà le vouloir, en se faisant clairement comprendre.

La rareté reposera elle sur ce qui prend du temps, sur ce qui empêche de compacter le temps, et ceux qui auront les capacités de détenir leur savoir-faire, dans la mesure où c'est désirable, utile, recherché, seront en position de force.

Quant à l'éducation actuelle, vu qu'elle n'apprend pas grand-chose en terme de communication et de maîtrise de savoir-faire rares, on peut dire qu'elle a du chemin à faire.

 
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